Intervention d’Edward Nalbandian pendant la réunion avec des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale de France

20 décembre, 2017

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Chers amis,

Il m’est très agréable d’être avec vous aujourd’hui, entouré d’amis - anciens et nouveaux: amis personnels de longues dates et amis de l'Arménie, réunis autour de la même volonté, celle de consolider et de renforcer davantage les liens d’amitié franco-arménienne riches des traditions séculaires.

Cette amitié franco-arménienne, j’y suis particulièrement attaché non seulement parce que la France est et sera un pays ami très important pour tout ministre arménien des affaires étrangères, mais aussi parce que j’ai eu l’honneur et le plaisir de mettre une décennie de ma vie au service de cette amitié en tant qu’ambassadeur d'Arménie à Paris.

Et c’est dans cet esprit amical que je voudrais partager avec vous des réflexions sur certains aspects de la politique étrangère arménienne.

Je tiens d’abord à vous parler des développements récents dans les relations de l’Arménie avec l’Europe où la France est l'un de nos principaux partenaires. Etant membre de l’union économique eurasiatique, l’Arménie développe également des partenariats dans d’autres formats d’intégration.

Les dernière semaines ont été très significative a cet égard. Le 24 novembre, l'Arménie a signé un accord de partenariat compréhensif et renforcé avec l'Union européenne. Cet accord n'est pas un exemple isolé du partenariat entre l’Arménie et l’Union Européenne. Au cours des deux dernières années, nous avons exploré avec nos partenaires européens différents domaines de coopération mutuelle, à savoir : Programme européen pour les petites et moyennes entreprises “COSME”, programme d’innovation et de recherches “HORIZON 2020”, Programme culturelle “Europe créative”, nous avons paraphé l'Accord sur l'espace aérien commun et signé le Protocole sur le réseau transeuropéen de transport, pour n'en citer que quelques-uns. Nous attendons les nouvelles initiatives, en accordant une importance particulière au lancement du dialogue sur la libéralisation des visas. Nous comptons sur le soutien de nos partenaires français à cet égard, et nos amis députés et sénateurs en tout premier lieu.

Le lendemain de la signature de l’accord avec l’Union Européenne, j’étais encore ici, à Paris, où l'Arménie s’est chargée la présidence de la Conférence ministérielle de l'Organisation internationale de la Francophonie; vous savez sans doute aussi que l'Arménie aura l'honneur d'accueillir le prochain Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements de cette organisation en octobre 2018 à Erevan. Le thème du Sommet sera «Vivre ensemble; vivre ensemble dans la solidarité, partager des valeurs humanistes et respecter la diversité en tant que source de paix et de prospérité». Un Pacte francophone pour le Vivre ensemble sera élaboré comme un document de référence de la Francophonie.

L'un des événements importants dans le cadre du sommet que nous avons l'intention d'organiser est le Forum économique de la Francophonie. Nous attachons beaucoup d’importance à la consolidation institutionnelles, professionnelles des entrepreneurs francophones pour promouvoir les relations économiques et améliorer l’environnement des affaires, envisageant le lancement du réseau des hommes d’affaires et des organisations patronales francophones.

D’autres thématiques importantes seront envisagées, comme le développement durable, la francophonie numérique, la lutte contre le changement climatique etc.

Autres organisation, autre présidence arménienne: Il y a quatre jours, je me suis rendu à Kiev pour prendre la présidence de l'Organisation de la coopération économique de la mer Noire. Pendant la présidence de l'Arménie, nous ferons de notre mieux pour que cette Organisation réponde pleinement à ses objectifs de renforcement de la coopération économique régionale entre les pays membres mais aussi pour d’autres pays qui y seraient intéressés.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

En 2015, à l'initiative de l'Arménie, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté une résolution unanime sur la prévention du génocide. Dans son développement à nouveau sur notre initiative, l'Assemblée générale des Nations Unies a assigné le 9 décembre en tant que Journée internationale de commémoration des victimes des génocides. Depuis 2015, le 9 décembre est devenu une plate-forme solide pour manifester la détermination de la communauté internationale contre les récurrences de ce crime haineux. Nous joignons notre voix à tous ceux qui s'efforcent de faire en sorte que « plus jamais » soit une promesse solennelle universellement respectée.

Le 9 décembre prochain, la Journée internationale de commémoration prendra encore plus d'importance puisqu'elle coïncidera avec le 70e anniversaire de l'adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. A cette occasion, l'Arménie accueillera le troisième Forum international contre le crime de génocide à Erevan.

70 ans se sont écoulés depuis l'adoption de la Convention, mais le monde n'est toujours pas à l'abri. Ce qui se passe sous nos yeux, au Moyen-Orient en particulier par rapport avec les crimes identitaires contre les groupes ethniques et religieux manifeste clairement la pertinence de la Convention.

La violence au Moyen-Orient n'a pas échappé aux Arméniens qui depuis des siècles constituent une partie de la mosaïque multiculturelle et multi-religieuse de la région. En Syrie, les établissements arméniens, les églises, les écoles et les institutions culturelles ont été détruits. Beaucoup de nos compatriotes arméniens ont perdu la vie dans des attaques terroristes, d'autres ont été contraints de fuir. L'Arménie a reçu plus de vingt-deux mille réfugiés de Syrie, ce qui fait de notre pays le troisième plus grand accueillant de réfugiés syriens en Europe par habitant. Nous avons également essayé d'atteindre les personnes qui ont besoin d'aide en Syrie en leur fournissant continuellement de l'aide humanitaire.

Mesdames et Messieurs,

Je suis sûr que les relations arméno-turques vous intéressent aussi. Comme vous le savez, c'était l'initiative du Président arménien d'entamer le processus de normalisation avec la Turquie qui a abouti à la conclusion des protocoles de Zurich en octobre 2009. Cependant, jusqu'à présent, la Turquie refuse de les ratifier.

L'initiative du Président Sargsyan de normaliser les relations avec la Turquie a été exprimée avec l'approche bien connue de normalisation des relations sans conditions préalables. C’est sur la base de cette compréhension commune avec la partie turque que nous avons lancé le processus de négociation et conclu des accords.

Juste après la signature des protocoles, Ankara a fait marche arrière; La Turquie est revenue au même langage de conditions préalables qu'elle avait utilisé avant le lancement du processus.

Il y a encore quelques jours, le 14 décembre, le ministère turc des affaires étrangères fait une déclaration qui vient constituer un nouvel exemple flagrant de distorsion de la lettre et de l'esprit des Protocoles de Zürich de 2009. Ankara n'hésite pas à réitérer ses conditions préalables, reliant les relations arméno-turques au règlement du conflit du Haut-Karabakh en faveur de l'Azerbaïdjan. Tout le monde sait que dans les Protocoles il n'y a pas un seul mot sur le conflit du Haut-Karabakh.

La déclaration du Ministère des Affaires Etrangères de la Turquie prétend que les efforts pour la reconnaissance du génocide de Arméniens seraient moralement et juridiquement incorrects et mal intentionnés. Il s'avère que la Turquie prêche la morale en France, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en Uruguay, en Belgique, en Grèce et dans des dizaines d'autres pays qui ont reconnu le génocide des Arméniens.

Il est ironique que la Turquie, l'un des pays les plus notoires du monde à restreindre la liberté d'expression, tente de justifier le négationnisme génocidaire au nom de la liberté d'expression.

Tout le monde sait que la balles est sur le terrain turc et que l'Arménie a fait tout le possible pour la normalisation des relations arméno-turques.

L'incapacité d'Ankara d’accepter cette réalité renforce à travers le monde le sentiment que la Turquie et la communauté internationale parlent des langues différentes.

Il est évident que même aujourd'hui, huits ans après la signature des Protocoles, Ankara n'est toujours pas prête à normaliser les relations arméno-turques.

C'est exactement la raison même pour laquelle le Président de la République d'Arménie a déclaré à l'Assemblée générale des Nations Unies que dans des conditions continues d’un quelconque progrès positif vers la mise en œuvre des Protocoles, l'Arménie les déclarera nuls et non avenus, au printemps 2018.

Mesdames et Messieurs,

Il va sans dire que le règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh figure parmi les plus hautes priorités de la politique étrangère arménienne.

La semaine dernière, au Conseil ministériel de l'OSCE, les chefs des délégations des pays médiateurs que sont la France, la Russie et les États-Unis, les coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE ont fait une nouvelle déclaration sur la résolution du conflit du Haut-Karabakh.

L'Arménie était prête à joindre à cette déclaration, mais l'Azerbaïdjan a refusé et, par conséquent, nous n'avons pas réussi à avoir une déclaration commune de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et des pays coprésidents. Cette situation n'a cessé de se répéter lors des Conseils ministériels de l'OSCE des années durant.

La déclaration des coprésidents a réaffirmé une fois de plus les trois principes du droit international qui sont à la base de la résolution du conflit du Haut-Karabakh: le non-recours à la force ou à la menace de la force, l'intégrité territoriale et le droit des peuples à l'autodétermination. Ces principes ont été élaborés par les coprésidents avec les éléments de la résolution du conflit en tant qu'un ensemble indivisible.

L’Arménie n'a cessé de réitérer sa volonté de poursuivre les négociations sur la base de ces principes et éléments en vue d'un règlement exclusivement pacifique du conflit. Ce n’est toujours pas le cas de l’Azerbaïdjan.

L’Arménie soutient depuis longtemps ce qui est proposé par les coprésidents : il faut prendre des mesures supplémentaires pour réduire les tensions sur la ligne de contact. Ces mesures ont été identifiées et accordées aux Sommets de Vienne et de Saint-Pétersbourg en 2016: respecter les accords de cessez-le-feu de 1994-1995, mettre en place un mécanisme d’investigations sur la violation du cessez le feu, l’élargissement des capacités de la mission de surveillance de l’OSCE sur le terrain. Toutes ces mesures, l'Azerbaïdjan refuse de les mettre en œuvre.

Les coprésidents ont réitéré leur engagement à mener des activités de médiation pour promouvoir des compromis sur les propositions de travail soumises aux parties. Ces propositions sont bien connues et sont reflétées dans les cinq déclarations des présidents des pays coprésidents faites depuis 2009. Au cœur de ces propositions est la détermination du statut juridique final du Haut-Karabakh à travers une expression de volonté juridiquement contraignante de la population du Haut-Karabakh.

Je voudrais réaffirmer une fois de plus l'engagement ferme de l'Arménie en faveur du règlement exclusivement pacifique du conflit sur la base des propositions des coprésidents. Il n'y a pas d'alternative au processus de négociation.

Il est évident que ce qui a été proposé par les coprésidents et soutenu par l'Arménie a été rejeté par l'Azerbaïdjan, et c'est la principale raison qui freine l'avancement du processus de paix.

Si Bakou respecte les appels des coprésidents à respecter strictement le cessez-le-feu, met en œuvre les accords précédemment conclus, réitère son adhésion aux principes de la résolution des conflits proposés par les coprésidents et s'engage de manière constructive dans les négociations, cela ouvrira la voie pour faire avancer le processus de paix.

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Voici les grandes lignes des actualités de la politique étrangère d’Arménie qui, j’espère, vous seront utiles dans votre noble mission au service du développement des relations franco-arméniennes qui - nouées dans le passé, confirmées par le présent - sont surtout tournées vers un avenir que nous espérons prospère pour nous tous.

Je vous remercie.
 


 

 

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