Génocide culturel

L’expression génocide culturel désigne la destruction intentionnelle du patrimoine culturel d’un peuple ou d’un groupe ethnique. D’après Raphaël Lemkin, le terme de génocide ne qualifie pas uniquement l’extermination physique d’un groupe racial, ethnique, national ou religieux, mais également du patrimoine culturel de celui-ci. Toutefois, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l’ONU le 9 décembre 1948 en exclut toute mention.

Les faits historiques témoignent de la volonté du gouvernement jeune-turc de détruire de façon systématique non seulement la population arménienne physiquement, mais également toute trace matérielle de la civilisation arménienne. Conscient du rôle primordial joué par l’église arménienne dans la conservation de la nation arménienne, le gouvernement turc a fait exécuter de façon intentionnelle les représentants du clergé, détruit et spolié les églises et d’autres monuments religieux, et fait disparaître des milliers de manuscrits datant du Moyen Age.

Un témoin oculaire du Génocide arménien, l’avocat arabe Fayez Al Khosein écrit dans ses mémoires : « …Après les massacres des Arméniens le gouvernement avait créé des commissions spéciales dont l’objectif était de vendre les biens qui en restaient. Des pièces rares et d’une valeur historique inestimable se vendaient pour une bouchée de pain…Je m’étais rendu une fois dans une église pour voir comment se déroulait la vente de ces objets. Les portes des écoles arméniennes étaient condamnées. Au marché, des pages déchirées de livres en langue arménienne servaient d’emballage aux vendeurs de fromage, de dattes et de grains de tournesol… ».

D’après un inventaire dressé par l’archevêché de Constantinople entre 1912 et 1913 à l’attention du gouvernement turc, l’on comptait dans l’ensemble de l’empire ottoman plus de 2000 édifices religieux arméniens (dont des monuments datant des débuts du christianisme au 4e – 5e siècles) la majeure partie en ayant été pillée, brulée et détruite au cours des années suivantes.

Le gouvernement turc républicain, ayant succédé au gouvernement jeune-turc, poursuivit la politique d’anéantissement du patrimoine culturel arménien dont les vestiges demeuraient, aux yeux des Turcs, autant de témoins indésirables de la présence séculaire arménienne dans la région.

Dès 1920, le gouvernement turc entreprit de renommer les localités de l’Arménie occidentale. A l’heure actuelle plus de 90% des noms propres géographiques de l’Arménie historique sont turquifiés, l’identité arménienne de centaines de monuments historiques étant effacée.

D’après les données de l’UNESCO de 1974 des 913 monuments historiques arméniens existants sur le territoire de la Turquie en 1923, 464 étaient disparus, 252 ne représentaient que des ruines et 197 nécessitaient des travaux de rénovation.

Les autorités turques ont fait explosé la plupart des ces monuments, l’armée n’hésitant pas à les employer comme cible lors de ses manœuvres militaires. Dans certains villages reculés ils servent d’étables, d’entrepôts ou encore de prisons. De nombreuses églises arméniennes ont été transformées en mosquées.

Le point 6 de la résolution adoptée par le Parlement européen le 18 juin 1987 appelle le gouvernement turc à accorder une attention particulière à la préservation de la langue, de la culture et des structures scolaires de la communauté arménienne de Turquie, et à faire montre de respect en particulier envers son héritage architectural.

La destruction méthodique de l’héritage culturel arménien ou son appropriation illégale est le prolongement du Génocide arménien par le gouvernement turc.

Quelques exemples de monuments arméniens médiévaux détruits lors du Génocide arménien et dans les années qui le suivirent.

 

Monastère de Horomos, 10e -11e siècles

  • Le monastère de Horomos avant 1965 et en 1998 (photo prise par S. Karapetian)

L’église Saint Sauveur d’Ani, 11e siècle

  • L’église dans les années 1910 et 2000 (photo prise par S. Karapetian)

Monastère de Bagnaïr, 11e – 13e siècles, village de Bagnaïr (actuellement Gozludja)

  • Le monastère de Bagnaïr avant les années 1960 et en 2000 (photo prise par S. Karapetian)

Monastère de Khetskonq, 11e – 13e siècles

  • L’ensemble monastique au début du 20e siècle
  • Après l’explosion de 1966

  • L’ensemble monastique de Khetskonq au début du 20e siècle
  • Le monastère de Khetskonq de nos jours (photo prise par S. Karapetian)

La cathédrale de Tekor : 5e siècle

  • Tekor Avant 1912 et en 2000 (photo prise par S. Karapetian)

L’église Saint Jean de Bagrevand, années 613-619

  • L’église Saint Jean avant 1966 et en 2000 (photo prise par S. Karapetian)

  • Ani, capitale de l’Arménie médiévale : les armoiries de la ville dans les années 1910 et en 2000, après la rénovation turque

  • Van, Province d’Aghbak monastère de l’Apôtre Sain Barthélémy en 1913 et en 1980 (photo de A. Hakhnazarian)

  • Van, île de Lime, la Chartreuse de Lime vue du nord-est (photo de S. Karapetian)

  • Mouche, le monastère des Saints Apôtres, 4e - 15e siècles, au début des années 1900 et en 2000 (photo prise par S. Karapetian)

  • Mouche, le monastère de Saint Karapet, 4e – 18e siècles, vue sud-est début des années 1900
  • L’emplacement du monastère de Saint Karapet en 2000 (photo de S. Karapetian)

  • Province de Rechtouniq, le monastère de Narek (Narekavanq) au début des années 1900
  • Van, province de Rechtouniq, mosquée construite à l’emplacement de Narekavanq, 2004 (photo de S. Karapetian)

  • Van, village de Koghbats, les ruines du monastère de Salnapat, 10e – 13e siècles, au début des années 1900 et en 2004 (photo de S. Karapetian)

  • Van, village de Chouchants, l’emplacement du monastère de Saint Vierge de Karmravor, au début des années 1900 et en 2004 (photo de S. Karapetian)

  • Van, le monastère de Varaga (Varagavanq), 10e -11e siècles, au début des années 1900 et en 2004 (photo de S. Karapetian).

Photos prêtées par l’Institut d’étude de l’architecture arménienne, site internet:www.raa.am

Génocide culturel

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